Quelques articles pour aller plus loin …
L'éducation émotionnelle et sociale
Qu’est-ce que c’est ?
Les émotions sont partout. En ouvrant les yeux, le matin, nous percevons déjà des émotions. Au quotidien, on les retrouve au travail, à l’école, dans les loisirs, en famille, à la TV, dans la pub, au cinéma, dans la musique, dans la peinture…
Sans que nous en ayons conscience, une émotion naît en nous, influençant notre état d’esprit, notre pensée, nos actions, notre rapport à nous-mêmes et à autrui.
Une émotion n’est pas bonne ou mauvaise ; elle n’est pas morale. Il s’agit juste d’une information que nous recevons sur ce qui se passe à l’extérieur de nous, à l’intérieur ou en interaction avec nous. Ce sont nos actions ou réactions à cette information que l’on peut percevoir comme bonnes ou mauvaises et qui peuvent être modifiées grâce à l’éducation, la sensibilisation, la prise de conscience.
De tout temps, les émotions ont interpellé l’homme. Des philosophes et des chercheurs ont délibérément écarté de leur travail les émotions parce que trop indomptables et risquant d’influencer la raison. Grâce aux recherches de branches disciplinaires différentes, et surtout celles de ces dernières décennies, la situation a changé.
Nous ne pouvons pas parler d’intelligence sans l’émotion, de la même manière que nous ne pouvons pas parler d’intelligence en faisant référence uniquement aux émotions. Selon lui, les émotions nous fournissent des informations indispensables à la raison pour motiver, fixer des priorités, prendre de décisions et gérer nos actions. Nous n’avons pas besoin d’écarter les émotions, ni de leur permettre de s’imposer. La clé est d’apprendre à les intégrer et à travailler, à composer, de manière intelligente avec elles puisqu’elles vont nous habiter toute la vie !
Les recherches ont mis en évidence l’existence d’un ensemble de compétences qui peuvent être développées à tout moment de la vie et qui sont en rapport direct avec le sentiment de bien-être et le succès dans la vie personnelle et professionnelle. L’éducation émotionnelle et sociale (EES) a pour but le développement de ces compétences en lien avec notre environnement.
Éducation Émotionnelle et sociale : Pour qui ? Pour quoi faire ?
Le cible de l’éducation émotionnelle est tout le monde puisque tous les êtres humains ont des émotions et que chaque être humain est en interrelation avec ce qui l’entoure. Nous allons toujours ressentir des émotions et la manière dont nous les gérons aura un impact direct sur nos relations, notre travail, notre santé. Nous tous avons besoin de les connaître, de nous connaître et d’apprendre à composer avec elles de manière intelligente pour avoir plus d’équilibre, de bien-être et même de bonheur dans nos vies.
Où peut-on travailler l’EES ?
L’EES peut se travailler à tout moment de la vie :
- À l’école : pour les élèves et les professeurs, pour améliorer l’ambiance de la classe et pour aider les enfants à gérer les émotions qui peuvent interférer avec l’apprentissage (en diminuant la concentration).
- Au travail : pour améliorer l’ambiance, la communication et la gestion du stress qui auront un impact positif sur la performance et la qualité du travail.
- Dans la famille : pour améliorer les rapports et la gestion personnelle.
- Dans les groupes présentant des difficultés sociales : pour augmenter l’utilisation des ressources personnelles et en développer d’autres comme la résilience.
Pour quels sujets ?
D’autres sujets que l’EE peut travailler sont :
- La prévention du Burnout dans certaines professions.
- Le deuil : Socialement nous ne parlons pas de la mort. Cependant elle fait partie de la vie. Si nous lui rendons sa place, nous serons mieux placés pour faire face aux pertes et défis que sans doute rencontrerons tout au long de notre chemin.
- L’alphabétisation émotionnelle.
- L’amélioration de la gestion émotionnelle.
- L’apprentissage des compétences interpersonnelles.
- La construction du bien-être.
- Le renforcement de l’estime de soi.
- L’amélioration de l’ambiance dans une équipe de travail.
L'intelligence collective
L’intelligence collective est un enjeu important pour le bon fonctionnement de toute organisation, quelle que soit sa forme ou sa taille. Elle permet à un groupe d’individus ou une collectivité d’utiliser au mieux les capacités, la réflexion et la diversité des aptitudes de chacun pour parvenir à un but commun, et de trouver des solutions créatives et innovantes aux défis les plus difficiles. La principale clé : la communication.
Loin de se résumer à la seule addition des connaissances ou compétences individuelles de l’entreprise, elle tire sa valeur ajoutée des relations nouées par les équipes. Ainsi, les individus qui échangent et collaborent trouvent toujours un bénéfice supérieur à ce qu’ils auraient obtenu en agissant isolément…
Définition de l’intelligence collective
Concept issu des sciences sociales et de la psychologie du travail, l’intelligence collective est la capacité intellectuelle d’une organisation ou d’une communauté d’individus (humaine mais aussi animale, à l’instar des fourmis) à réaliser des tâches complexes grâce aux interactions nouées entre ses membres et aux synergies réalisées qui en découlent.
Pour que cette intelligence devienne réalité, elle requiert plusieurs éléments-clés :
- le partage de l’information car chaque individu ne possède qu’une part des connaissances nécessaires pour mener à bien l’objectif commun;
- la fixation et le respect de règles communes par tous les membres pour s’assurer que les échanges aboutissent à une vraie mobilisation des compétences ;
- un système au sein duquel chaque individu trouve un bénéfice à collaborer.
Dans le monde du travail, l’intelligence collective est une organisation reposant sur la capacité à faire travailler ensemble des profils divers et variés (salariés, collaborateurs externes, clients, fournisseurs) contribuant à un même projet. La réussite dépend de la qualité du management et des méthodes employées, ainsi que des nombreuses relations sociales nouées en interne. Ce partage des connaissances, compétences et expériences se traduit favorablement sur l’efficacité des équipes et la performance globale de l’entreprise.
Implications managériales de l’intelligence collective
Pour que l’entreprise soit en capacité de tirer profit de l’intelligence collective, il est nécessaire de mettre en place un management transversal et participatif et une bonne communication. Il faut aussi s’éloigner de l’ancien modèle hiérarchique. Les normes, les relations internes, et les valeurs de l’entreprise doivent être réinventées.
Là où auparavant le manager avait pour rôle de donner des ordres aux équipes de travail, il doit leur fixer un objectif à atteindre. Il doit par ailleurs mobiliser les collaborateurs en les incluant dans le processus de prise de décision (qui devient plus consensuel) qui les valorise et les inscrit dans une démarche positive de responsabilisation. Comment ? En les faisant participer à la stratégie de l’entreprise. Pour cela, il s’attache à nouer une relation de confiance avec chaque équipe. Il développe également un climat de travail favorable à la prise de risque et à la prise de parole. Objectif : faciliter la diffusion des idées et le partage des informations, et in fine parvenir collectivement à la meilleure solution aux problèmes et défis rencontrés.
Au lieu de surveiller au quotidien les talents internes et de micro-manager leurs performances et les résultats qui en découlent, il leur accorde une large autonomie. Il instaure un climat qui les encourage à prendre des initiatives individuelles, pour mieux créer une adhésion spontanée au projet. Ainsi, plutôt que d’inciter les salariés à se faire concurrence entre eux, ce nouveau management encourage le travail collaboratif, la communication. Il accorde une large place aux soft-skills, et fait émerger une conscience de groupe au sein d’une équipe. Il fait réaliser à chacun la richesse apportée par la complémentarité de leurs compétences et par une coopération efficace. Ce changement d’état d’esprit passe généralement par une formation, pour le manager comme pour son équipe.
« L’intelligence collective est l’art de maximiser simultanément la liberté créatrice et l’efficacité collaborative » Pierre Levy
Transmettre
Par Alain VASSEUR
… nous renvoie bien évidemment au mot transmission….de transmittere (transporter)…
mais aussi, pourquoi pas à l’association transe-mission….de transire (passer)….mission de faire passer….
Transmettre c’est être en vie…c’est surtout rester vivant.
Transmettre…c’est rendre visible le visible privé de visibilité… mais aussi rendre, en quelques sortes, audibles les voix privées d’audition.
C’est transporter l’autre, c’est mettre en œuvre une pédagogie qui invite l’autre à se mettre en œuvre.
Se mettre en œuvre est une phrase qui revient souvent naturellement dans nos conversations, mais peu de gens mesurent la force et la pertinence de son sens…
Michel FOUCAULT écrivait dans la première préface à « folie et déraison » que « la folie c’est l’absence d’œuvre ». Comment ne pas comprendre que la possibilité d’une vie tient de la possibilité de « faire œuvre »?
Faire œuvre revient à agencer une forme, un désir de forme dans un espace-temps particulier. C’est aussi déployer un projet qui a la capacité d’ébranler l’espace-temps dans lequel s’inscrit un individu et de le faire vibrer d’une intensité nouvelle.
Les vies « désœuvrées » ne sont pas des vies sans œuvre mais des vies qui ne sont plus reliées à un potentiel d’œuvre du fait de l’absence de perception qui les désarrime, déracine de tout foyer social, de toute loi de partage.
Il y a toujours un risque à s’exprimer, car, contrairement à ce que l’on peut croire, l’expression est toujours expression de quelque chose que l’on ne connaît pas.
Il est erroné de supposer que l’expression procède d’une conscience anticipée de ce que l’on a à dire, c’est l’inverse ! La conscience vient de ce que l’on dit. Quelqu’un communique ce qu’il sait mais exprime ce qu’il pressent.
TOMATIS, médecin français spécialiste des troubles de l’audition et du langage, a développé une méthode qui s’appuie sur des techniques de structuration de contrôle de la voix et du langage grâce à la fonction d’écoute de chacun. Il nous dit : on peut bien entendre et mal s’écouter. Le message sonore est correctement perçu mais mal analysé sur un plan émotionnel.
Le cerveau se protège en érigeant des barrières pouvant favoriser aussi le développement de nombreux troubles -on dit que l’écoute est perturbée-.
La méthode TOMATIS stimule le cerveau en effectuant des séances d’écoute répétées, en utilisant des appareils spécialement conçus pour stimuler le cerveau et l’aider progressivement à mieux analyser le message sensoriel. On dit que « l’oreille se met en écoute » : l’oreille ne sert alors plus seulement à entendre, elle stimule le cerveau et détermine l’équilibre du sujet; une bonne écoute est donc primordiale pour favoriser le développement personnel. On sait que l’on peut regarder et écouter quelqu’un sans le voir et l’entendre.
Donc TOMATIS a le mot juste quand il dit « la langue devrait servir à écouler la découverte formulée de ce que l’on pressent, tandis qu’elle n’est utilisée, le plus souvent, que pour traduire uniquement ce que l’on sait, ce que l’on a appris. »
Alors, quel malentendu chez ceux qui ne s’expriment pas, croyant n’avoir rien à dire, et quelle méprise aussi chez ceux qui disent sans s’exprimer, ceux qui communiquent, instruisent et informent. Normalement, deux personnes se rencontrent avec l’envie de découvrir, avec l’envie « d’écouler la découverte formulée de ce que l’on pressent »…Ce que l’on pressent étant, je le reprécise, ce que l’on sait sans le savoir, ce qui demande à être révélé par le langage, qu’il soit verbal ou non verbal.
Car oui, n’oublions pas que le langage peut être verbal ou non verbal.
Dans le joli film que nous pu voir sur les écrans en 2014, Marie HEURTIN, de J.Pierre AMERIS avec Isabelle CARRE et Ariana RIVOIRE (l’histoire de cette jeune fille sourde et aveugle de naissance jugée débile et confiée à des religieuses qui prennent en charge des enfants sourds à la fin du 19me siècle) ; donc dans ce film qui parle de handicap physique et social, nous voyons que l’accès au langage peut prendre des chemins détournés et c’est fou comme en parlant de la privation des sens, Jean-Pierre Améris parvient à exacerber les nôtres, à nous rendre plus attentifs à la beauté qui nous entoure et à faire évoluer le regard que l’on porte sur les personnes en situation de handicap.
Ce qu’il y a d’intéressant dans ce film et ce qu’il y a d’essentiel dans le phénomène de l’expression, c’est qu’il s’agit de manifester ce qui est subjectif, ce qui est vécu de l’intérieur par celui qui est sujet de sa propre expérience et qui occupe un point de vue unique au monde.
Ce qui est contraire à l’expression, c’est l’exécution pure et simple d’un connu à l’avance.
L’expression est une démarche de découverte, elle n’appartient ni à l’expert, ni à l’artiste, elle est le propre de toute personne qui veut approfondir ses rapports avec le monde.
En d’autres termes, l’individu qui s’exprime est toujours de quelque manière surpris de ce qu’il rend extérieur à lui-même, parce qu’il s’exprime avec un moi beaucoup plus grand que son moi conscient et rationnel. Nous l’avons dit tout à l’heure à propos du film de Pierre AMERIS (Marie HEURTIN), l’individu peut s’exprimer par les mots, il peut le faire par le geste aussi.
Arno Stern, l’un des grands éducateurs de l’expression (éducation créatrice), affirme que : celui qui s’exprime ne pense pas… Il substitue à la dictée de l’intellect, l’obéissance du geste aux vibrations de son organisme. Il a « déconnecté » sa main du « circuit intellectuel » et l’a branchée directement sur les impulsions de son corps…ce qu’il trace lui est dicté par ses sensations » (l’expression, 1973)
Voilà ce qu’est le caractère totalisant de l’expression, un contact immédiat où les sensations sont littéralement transcrites en mouvements et en couleurs, comme si le dedans dansait avec le dehors sans la manigance d’une chorégraphie calculée, comme ça, en direct spontanément.
L’expression à son meilleur devient oubli, risque et abandon; pour un instant, l’absence d’une fonction critique (c’est-à-dire déconnectée du tribunal du goût), un rapport actif sans intermédiaire entre la sensation et le geste, la sensation et le mot, la sensation et le médium, une sorte d’accord parfait entre celui qui s’exprime et le contenu qu’il exprime.
Einstein rapporte que les choses ont changé pour lui quand il a cessé de vouloir imposer son ordre au chaos de l’univers et qu’il a plutôt laissé l’univers mettre de l’ordre dans le chaos de son esprit.
En conclusion, celui qui croit se connaître n’a pas envie de s’exprimer, comme celui qui croit savoir n’a pas envie d’apprendre.
C’est quand quelqu’un se sent rempli d’inconnu qu’il éprouve le besoin de se révéler.
Sous l’effet déformant de la privation, l’individu refuse trop souvent l’expérience de s’exprimer.
Et c’est donc ici que l’art-thérapie intervient. L’art-thérapie est un ensemble de médiations mis à disposition de la personne pour prévenir, soigner, traiter, soulager un problème, une maladie.
Comment se passe un atelier d’art-thérapie ?
Cela ne passe pas principalement par la parole, mais encore une fois par la sensation, par le faire, par l’impression devant ce qu’on a créé… En tout cas, pas celle qui explicite ou explique les significations cachées dans la production… Sans vouloir non plus mettre à tout prix des mots dessus…ni tout comprendre.
L’art-thérapeute doit savoir comment accompagner la forme, c’est pourquoi il doit connaître et pratiquer lui-même l’art proposé pour pouvoir aider à mettre dans la production « ce qui fait tourment » sans pour autant le demander explicitement.
Il ne doit pas intellectualiser mais s’ouvrir à l’empathie et à l’intuition.
Elle suppose que la personne soit capable de puiser en elle ses forces de résolution…de souligner ses difficultés en les figurant sans même s’en rendre compte.
Bref, se recréer, comme le souligne J.P. KLEIN pour se re-créer, se créer à nouveau…et donc en quelques sortes, se réapproprier quelque chose de son histoire…
La résilience s’approche de ce concept.
L’art-thérapie ne concerne pas seulement la psychiatrie (psychose, autisme, névroses, troubles de l’alimentation), la gériatrie (Alzheimer et démence), la pédiatrie, la rééducation fonctionnelle ou encore les soins privatifs. Elle se pratique aujourd’hui dans des associations pour toxicomanes, dans des projets de réinsertion, d’alphabétisation, d’accueil de migrants, de personnes violentes, de travail de deuil, avec des victimes d’abus sexuels, pédophilie ou inceste. On y a recours dans les maisons de retraite, les prisons, les écoles.
Elle concerne aussi les aidants de malades (familles, soignants, etc.)
Elle permet de surmonter l’épreuve personnelle, de s’occuper des souffrances d’un patient ou d’un proche. Les art-thérapeutes créent de plus en plus des associations et certains reçoivent même un libéral.
L’art-thérapie pourrait être considérée comme une médecine douce qui évite de travailler directement là où ça fait mal.
Son abord est toujours indirect : pour quelqu’un dont les symptômes physiques ou psychiques se focalisent dans le corps, on ne s’adressera pas directement au corps de la personne, mais on accompagnera ce corps, on aidera cette personne à faire par exemple un collage à partir de photos dans les magazines, à découper, à recomposer, presque à créer des personnages difformes du fait des différentes échelles… Inversement, un patient qui est très (trop?) dans la parole, se verra proposer des expressions artistiques non verbales…
On se situe entre ce que la personne sait faire, mais risque de répéter… et ce qui lui est impossible d’aborder…
Il s’agit en quelques sortes plutôt de découvrir un plus en avant, de façon progressive, des expressions qui le surprendront.
On s’aperçoit peu à peu, alors, que la sensibilité de la personne arrive à s’extérioriser autrement que dans le langage verbal où elle peut se révéler en difficulté, mais par d’autres langages subtils et inattendus où elle peut même être douée et susceptible de progrès.
Elle peut témoigner du drame qu’elle vit, elle se révèle elle-même et aux autres différente, c’est-à-dire unique. La personne prend en considération son unicité.
Ce que ces approches suscitent se déploie au-delà (ou en-deçà) de mots dans une richesse humaine et communicationnelle inédite insoupçonnée.
Pour info, quand on parle d’art-thérapie, on fait souvent référence à un peintre anglais réputé, Adrian HILL, qui, ayant attrapé la tuberculose en 1938, lors d’un séjour en sanatorium, peint et fait peindre les malades, puis à la demande de la Croix Rouge britannique, les soldats blessés de la guerre. Dès 1941, il lance la thérapeutique par l’art. Pour lui, lorsqu’il est satisfait, l’esprit créateur favorise la guérison au cœur du malade. En d’autres termes, celui qui gouverne son esprit peut guérir sa tuberculose.
Alors vous l’aurez compris, je vous parle ici d’art-thérapie artistique. On pourrait appeler l’autre art-thérapie, l’art-thérapie interprétative qui consiste à appliquer la psychanalyse aux productions artistiques.
Par exemple dans le domaine de la peinture, le rouge reviendrait à exprimer la violence, le noir, la pulsion de mort, une forme verticale, un phallus…Mais ce n’est pas mon champ d’action.
Quand je parle de richesse humaine communicationnelle…..j’introduis là encore indirectement le mot transmission….dans une société ou l’on confond allègrement transmission et communication. Si on se réfère à son origine, la transmission introduit la présence de deux corps…de deux voix qui se font faces…..
Pour moi, il n’y a pas d’accompagnement sans corps à corps, corps accord avec l’autre. Un dicton dit : « l’art c’est la vie… » J’ai envie de rajouter autour du thème qui nous rassemble : l’art c’est la vie…mais sur un autre rythme.
Nous l’avons vu, l’art ne se réduit pas à l’expression sauvage d’élucubrations psycho-émotives d’individus en proie à leurs propres confusions et conflits, mais s’inscrit dans l’expression d’une quête, liée à un besoin de communication et de relation parfois peu visible mais réel.
Dans ces lieux clos l’artiste accompagnant joue le rôle de passeur… il construit un pont… ou des ponts… il renvoie le mot art… au mot articulation… il rend lisible… il accompagne des personnes dont le rapport au temps, au corps, à l’espace… est différent et parfois singulier… Il accompagne ces personnes dans la liberté et la contrainte d’un langage accessible à l’autre.
J’utilise le mot accompagnant car j’aime bien cette notion de compagnonnage qui est largement utilisée dans le champ social mais beaucoup moins dans le champ sanitaire ou éducatif.
Dans les Centres Hospitaliers Spécialisés, l’artiste accompagnant-intervenant articule un langage cohérent et sensible avec l’incohérence du lieu, collaborant ainsi par touches légères et sensibles à la vie et au développement de la « culture » de ce lieu.
Inviter la personne à se mettre en situation d’expression est pour moi la donnée essentielle et première de l’accompagnement puisqu’elle aide simplement quelqu’un à exister, à se mettre debout, à prendre sa vie au sérieux, à trouver sa place, à s’y tenir avec humilité et force. Elle permet également d’apprendre à vivre avec réalisme sans se regarder vivre, sans rêver sa vie. Aider quelqu’un à exister, c’est désirer qu’il vive le plus lucidement et le plus profondément possible… c’est l’aider à la réconciliation avec soi-même et avec sa vie…
Aider à la réconciliation avec soi-même et avec sa vie c’est permettre à la personne d’assumer ses limites, son handicap, ses fragiles. C’est surtout l’inviter à se réapproprier un corps sensible nourri des couples pensée-émotion, intuition-sensation, qui permettent à l’individu de rentrer en création dans une dynamique d’abandon et de contrôle nécessaire à tout acte de transmission. Le premier mouvement devant nos limites ne devrait jamais être l’accusation mais l’acceptation douce, humble, sereine de ce que nous sommes.
« Oser vivre », comme le souligne Jacques LECLERCQ (linguiste, sociologue québécois)… »c’est d’abord plaider non coupable et décider l’acquittement de tout soi-même »…
Ce n’est pas un drame d’être inachevé c’est même parfois plutôt rassurant. Le pire serait de croire qu’on est arrivé, qu’on est « achevé »… on n’est jamais au bout de la route, un toujours plus est possible. Même dans les situations les plus « bloquées »… l’être le plus perdu a toujours un avenir même si la société n’y croit plus.
Se réconcilier avec son état de vie, le quotidien, les désillusions inévitables…C’est là que se situe le véritable défi… C’est là aussi que l’expression du sensible nous attend, mais pas demain… aujourd’hui.
Un jour un patient m’a dit « le théâtre m’a éveillé à la vraie intériorité »…
Beaucoup en ont peur, ils la défigurent ou la méprisent. Il est vrai que l’on peut vivre à partir d’impressions, de sentiments, d’amertumes, mais ce n’est pas l’intériorité.
Or l’homme est fait pour vivre lucidement et profondément son être. L’acte artistique peut donc l’aider à construire ce lucide et ce profond.
Beaucoup de personnes ne sont pas habituées à cette introspection, elles agissent avec leur tête et leur cœur, mais dans la direction horizontale, jamais dans la direction verticale, celle qui permet le défrichage, le déchiffrage, le dégivrage, le décryptage de l’intérieur. Pourquoi ? Parce que simplement on leur a défendu « il ne faut pas s’occuper de soi »…ou parce qu’on est trop pris par la vie active, …ou parce que l’on se fuit…
Dans l’accompagnement artistique de l’individu, on va aider l’autre à poser un regard sur l’intérieur. Il y a souvent un fouillis nébuleux. En « verbalisant » tout cela, on commence à mettre de l’ordre en soi, on fait reculer les frontières de l’obscurité, du subconscient et de l’inconscient. La mise en situation d’expression permet à l’individu d’occuper lucidement son être profondément. Oui profondément. Car l’homme est fait pour vivre au niveau profond et non seulement au niveau instinctif et réflexe. Il y a beaucoup d’êtres qui vivent leur vie d’une manière instinctive sans réfléchir et sans profondeur. L’acte d’expression les appelle à découvrir en eux des zones qu’ils ignorent… La vraie maîtrise de soi ne s’acquiert qu’à partir des profondeurs. Cette vie en profondeur est accessible à tous et pas seulement aux mystiques et aux intellectuels. Seulement comme le dit très justement Maurice ZURDEL (prêtre écrivain et sociologue) : « la découverte de l’autre est absolument inséparable de l’accès de l’homme à lui-même, à sa profondeur… il faut que l’homme parvienne à soi pour faire la rencontre avec l’autre… pour faire une place à l’autre »…
Tout ceci nous conduit à la « liberté d’être ». La liberté d’être… ça ne veut pas dire je suis bien… ou je vais bien, ça veut dire je me veux bien ainsi… Ce que je suis est plus important que ce que je pensais être.
Il y a bien sûr une éducation à l’autonomie. Ceci est particulièrement important pour les êtres dépendants qui aiment facilement se mettre sous tutelle « je m’en remets entre vos mains ».
L’artiste intervenant rend l’autre libre. Être libre c’est être autonome… c’est apprendre à bien vivre avec les autres…C’est accepter de recevoir… transmettre… partager…choisir…
Au disciple d’un maître Soufi qui voulait connaître la voie la plus courte pour accéder à l’intériorité, ce dernier lui dit : « je vais te confier un secret… tu ne le répéteras à personne… il n’y a pas de voie, la voie courte… la voie royale consiste dans l’acceptation de l’absence de voie »…
BOSSUET dira : « loin de vous attacher les âmes infirmes, rendez-les libres et autant que vous le pourrez, mettez-les en état d’avoir moins besoin de vous et d’aller, comme toutes seules, par les principes de conduire que vous donnerez ».
Eric de ROSNY (prêtre écrivain Jésuite qui a longtemps vécu en Afrique) se demandait s’il pouvait accepter un rite africain d’accompagnement de libération, d’ouverture des yeux… Ce discernement n’est pas facile… car tout est mêlé… il demande conseil à un vieux Jésuite. Voici sa description de l’accompagnateur : « discerne en lui s’il appartient à cette race rare et précieuse de conseillers qui vous donnent l’impression d’être toujours à votre suite, se tenant derrière vous pour ne pas gêner votre marche, mais comme légèrement déplacé sur le côté afin de mieux apercevoir les dangers que vous courrez et de vous en avertir… juste ça ! »
Voilà, je pense que la mise en situation d’expression et l’acte artistique sous toutes ses formes nous permettent d’apprendre à nouveau à vivre à partir du positif et de sortir d’un système qui rabaisse le plus souvent l’autre ou le polarise sur son négatif, son handicap, ses limites, ses fragiles…
Que de personnes avons-nous rencontrées qui sont restées nouées, parce qu’on n’a pas libéré en elles les immenses « possibles »… « possibilités » qu’elles portaient.
« L’important est de vivre et non pas de se regarder vivre » me dira un jour un autre patient.
VARILLON, prêtre (fondateur de la compagnie de Jésus) dira dans sa retraite, 5 jours avant de mourir en 1978 : « j’aime passionnément tout ce qui est passionnant… il y a des gens qui ne savent pas vivre… il ne sont pas gourmands ».
Voilà… être gourmand. Restons gourmands de ce que peut nous apporter la vie… et donc l’art de soi, tout simplement, mais sur un autre rythme.
C’est ce que nous tentons de maintenir au quotidien dans les actions que nous défendons ou que nous mettons en place au sein de l’Association Itinéraires Singuliers… C’est ce que nous tentons de maintenir au quotidien dans le développement de ces actes de création qui visent à aider l’individu en rupture sociale, à exister, à se réconcilier avec lui-même et avec sa vie, à s’éveiller à la vraie intériorité, à ce que j’appellerai « une certaine liberté spirituelle » s’appuyant sur l’apprentissage du mieux vivre au quotidien à partir de l’expérience du positif.
Le chemin du véritable « corps accompagné » passe par-là, car « grandir »… s’ouvrir à soi et aux autres… fait assumer l’insécurité intérieure et permet enfin de vivre avec ses fragiles et ses handicaps….de bégayer comme le souligne Gilles DELEUZE dans sa propre langue.
Prendre soin
MALADIE ET HANDICAP PSYCHIQUES : PRENDRE SOIN DES PERSONNES SOUFFRANTES, PRENDRE SOIN DES PERSONNES AIDANTES.
Cette conférence s’inscrit dans le cadre de la semaine sur la santé mentale 2011. L’UNAFAM a donné la parole à Alain Vasseur directeur du centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) Bachelard, ainsi qu’aux adhérents de deux Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) de Beaune et de Chenôve et enfin à Madame Elbachir, psychologue et animatrice d’un groupe de parole UNAFAM.
Exposé d’ Alain Vasseur :
Pour cet exposé j’ai une double casquette :
1ère casquette : je viens vous présenter le festival Itinéraires Singuliers que je coordonne. Ce festival est né en 1999 en partenariat avec le CHS de la Chartreuse,
2ème casquette : je coordonne aussi un centre d’accueil thérapeutique à temps partiel, structure intersectorielle, entièrement axée sur la dynamique des processus d’expression, et qui dépend du CH LA CHARTREUSE.
L’idée est d’inscrire la personne dans une dynamique de projet, avec les autres, et surtout de lui permettre d’accéder à sa forme d’expression qui lui est propre.
Les gens viennent dans cette structure pour suivre des activités ; cela permet à la personne d’accéder à son désir d’expression. Nous avons tous des formes d’expression différentes car nous ne sommes pas tous construits de la même façon.
C’est YUNG qui s’est intéressé aux désirs de formes de chacun. YUNG dit qu’un enfant qui s’oriente dans la vie doit développer 4 axes : le Nord pour la pensée, le Sud pour l’émotion, et le couple intuition/sensation Est/Ouest.
L’enfant va développer un de ces 4 axes : soit il va développer l’axe de la pensée ; on va dire de cet enfant « c’est un gamin qui travaille bien à l’école, c’est un intellectuel, il passe son temps dans les livres.
En face il y a l’émotion : un gamin qui est toujours dans les pantalons de son papa ou les jupes de sa maman se construit sur cet axe là.
L’autre axe est le couple intuition/sensation : on va dire que le gamin est intuitif ; dehors il est en rapport avec les éléments, il grimpe dans les arbres, bref il est très en lien avec la nature. De plus ce gamin est tout le temps en train de faire des câlins.
Yung dit que s’il y a un évènement traumatique dans la vie de cet enfant, il va renforcer l’axe sur lequel il s’est construit ; s’il s’est construit sur l’axe de la pensée, il va rester sur cet axe et ne sera plus assez en prise avec ses émotions.
A l’inverse quelqu’un qui s’est construit sur l’axe de l’émotion quand il un évènement traumatique a lieu dans son histoire, il va bloquer l’axe sur lequel il s’est construit et ce gamin sera submergé par ses émotions. On voit ça quand plus tard il passe des examens : il sera submergé par ses émotions, non pas qu’il n’a pas appris à penser, c’est qu’il est submergé.
Mais un enfant qui se développe harmonieusement va quitter petit à petit l’axe sur lequel il s’est construit et utiliser harmonieusement sa pensée, ses émotions, ses intuitions et ses sensations.
Dans les sociétés occidentales, on s’est construit beaucoup sur le couple pensées/émotions surtout dans notre société judéo-chrétienne ; tout ce qui a un rapport avec la nature n’est pas très développé dans notre culture occidentale.
YUNG dit que la pensée chez les indiens d’Amérique correspond au Nord qui est la conceptualisation, c’est l’air, c’est un élément masculin. Quelqu’un qui a perdu la pensée, on dit qu’il a perdu le Nord dans l’expression populaire ; donc chez les indiens le Nord correspond à la pensée ; On retrouve ça aussi des les cultures chrétiennes et dans la symbolique des cultures hindoues et aussi chez les bouddhistes.
Dans le Sud on retrouve les émotions, c’est l’eau, c’est féminin, c’est tout ce qui est amour, c’est tout ce qui a rapport à l’autre, le rapprochement, ce qui fait lien avec les autres.
L’Est c’est là où le soleil se lève, c’est le feu, c’est masculin, c’est tout ce qui est créativité, spiritualité.
L’Ouest c’est là où le soleil se couche, tout ce qui est sensation. Quand on dit que quelqu’un est complètement à l’Ouest, c’est quelqu’un qui est complètement dans la sensation.
Feu : élément masculin avec en face la terre : élément féminin.
Les gens qui ont du mal à travailler la terre, on le voit dans nos ateliers, ce sont des gens qui ont du mal avec leurs origines, avec leurs ancêtres, avec le lieu d’où ils viennent.
Que se passe-t-il quand il y a une maladie et notamment une maladie mentale ; YUNG explique que les deux couples se décentrent, on a alors un couple pensée/intuition : dans ce cas les gens sont dans la maladie, ils ont une vision très intuitive du monde ; par exemple quelqu’un qui est en crise va sentir si le soignant est mal à l’aise ou s’il a peur, il le sentira intuitivement.
Ce qui est intéressant dans l’acte d’expression c’est justement l’acte de création, et l’expression universelle de création est l’acte sexuel, la rencontre de deux personnes. Dans l’acte sexuel on utilise harmonieusement sa pensée, ses émotions, ses intuitions et ses sensations. D’où l’importance de remettre la personne en situation d’expression car chez les gens qui sont déconstruits on va recréer de bons axes.
On est plutôt dans une société qui met les gens en situation de consolation plutôt que d’expression. On dit exprimez-vous, achetez le dernier Ipod ou la dernière TV 3D. Mais s’exprimer n’est pas acheter ; la personne qui s’exprime s’inscrit dans une démarche de recherche sur elle-même ; l’expression n’appartient ni à l’expert ni à l’artiste, elle appartient à toute personne qui veut approfondir son rapport avec le monde d’où l’importance de ces lieux où on va restaurer des espaces de paroles et d’expression ; or on est dans une société qui ne donne pas beaucoup aux gens des espaces d’expression mais plutôt des espaces de consommation.
Gilles DELEUZE disait que les 3 sentiments qui gèrent notre vie, sont le désir, le doute et la nécessité. Or on est souvent dans un mauvais désir, un mauvais doute et une mauvaise nécessité.
Le bon désir c’est de savoir renoncer, par exemple quand on est en mauvaise santé mentale que fait-on ? On liquide son angoisse dans des addictions : boire, manger, fumer, consommer, donc remplir les manques.
Le bon désir dit Gilles DELEUZE serait de renoncer à ; par exemple prenez une table de LUCULUS avec des mets prestigieux, vous adorez le foie gras, vous vous précipitez sur le foie gras, vous mangez tout le foie gras et vous avez répondu à votre désir puisque vous adorez le foie gras ; or, effectivement si vous mangez tout le foie gras vous allez être malade, mais surtout vous ne pourrez goûter aux autres plats
Donc bien désirer c’est renoncer à manger tout le foie gras pour pouvoir goûter les autres plats. Etre gourmand de la vie c’est être en capacité de recevoir, de donner, de partager et de faire des choix. C’est ce qu’on fait dans un dîner entre amis, on partage, on reçoit, on donne et on fait des choix.
Dans les lieux d’expression c’est ce que l’on propose aux personnes malades dans ces centres d’accueil thérapeutique où on va restaurer ça, le bon désir, être gourmand de la vie.
Le doute : il y a les bons doutes et les mauvais doutes. G. DELEUZE nous dit également que si on ne doute pas on est dans la toute puissance et ce n’est pas très bon et si on doute trop on est dans un scénario d’invalidation personnelle qu’on retrouve dans la maladie, l’inhibition, etc.
« Le bon doute c’est faire un petit détour par la lune de façon à mieux voir la terre ». Donc si je monte sur la lune, je vois la terre avec un regard distancié, je vois le problème dans sa globalité et je peux retourner au cœur du problème avec un regard neuf. C’est-à-dire avec un regard critique sur les choses ; dans les ateliers d’art thérapie par exemple on va mettre la personne à distance face à son œuvre et on va inviter chaque participant du groupe à poser un regard curieux, critique, sur cette œuvre là. J’aime, ou j’aime moins, pourquoi elle me touche, c’est important pour que la personne puisse aussi avoir un regard critique sur son œuvre.
L’acte de nécessité : c’est l’acte de création universelle, c’est l’acte sexuel, c’est la rencontre entre deux personnes, c’est une pulsion de vie ; on a besoin de l’autre pour se construire.
A l’inverse si on n’est pas dans une pulsion de vie, on est dans une mauvaise nécessité, on est dans une pulsion de mort, d’autodestruction, de tentatives de suicide.
Quand on n’est pas en bonne santé mentale, on est dans un mauvais désir. On liquide son angoisse dans l’objet, on est dans un mauvais doute et une mauvaise nécessité.
Les ateliers sont donc là pour redonner à la personne malade du bon désir, du bon doute, de la bonne nécessité. C’est-à-dire être en capacité de faire des choix, de recevoir, de donner, de partager, d’être dans un acte de création.
L’acte de création est important pour se construire ; et donc on a besoin d’espaces de création et d’espaces de parole.
Itinéraires singuliers s’est construit autour de cette idée là.
Des sociologues se sont emparés du phénomène d’exclusion : si je prends une page blanche avec de chaque côté une marge : le centre est la norme.
A un moment donné je m’éloigne du centre, je viens dans la marge, mais je suis encore dans l’espace de la feuille, je suis encore dans le cadre citoyen ; à un moment donné je m’éloigne de la norme et je quitte ce cadre là, en psychiatrie la personne est en dehors du cadre, elle s’exclut ou elle est exclue du cadre, et bien évidemment que ce soit dans le milieu culturel ou dans le milieu sanitaire ou social, on va chercher des solutions pour vite ramener les gens dans la norme ; on va faire des stages de réinsertion, des entrées gratuites à des spectacles et puis on s’aperçoit que ça ne marche pas ; ça ne marche pas parce que si le principe d’exclusion c’est norme/marge/exclusion, le principe de réintégration c’est exclusion/marge/norme.
On s’est dit aussi une chose intéressante, la marge c’est un espace intermédiaire, les lieux de soins qui sont dans la cité CMP, centre d’accueil thérapeutique, etc. sont des espaces intermédiaires. Ils sont intéressants parce que symboliquement, autrefois quand il y avait des frontières, il y avait au-delà des frontières ce que l’on appelle le no man’s land. Donc on arrive à une première frontière, ensuite à une deuxième frontière. La symbolique des no man’s land est intéressante, c’est-à-dire que je pars en suisse avec mon sac à dos bourré, je passe la première frontière, je pose mon sac à dos et dans ce no man’s land là, cet espace intermédiaire, je vais vider mon sac à dos, c’est-à-dire que je regarder mon sac et voir si telle chose j’en ai besoin ou pas ; je garde ce dont j’ai besoin pour partir à la rencontre de l’autre pays que je vais découvrir ; si mon sac à dos était trop chargé, je ne pourrais pas accueillir grand-chose de l’autre côté.
Donc ces espaces intermédiaires sont des espaces où l’on vient déposer des choses qui nous encombrent, mais on a aussi effectivement rencontré les autres. Itinéraires singuliers s’est construit sur le modèle des centres d’accueil thérapeutique où les personnes se retrouvent dans cet espace intermédiaire ; une personne qui revient dans la marge de la feuille blanche revient dans un cadre citoyen des droits et des devoirs ; est-ce si important que ça qu’elle soit dans la norme ? ça rassure tout le monde que tout le monde soit dans la norme dans une société normopathique et nous on va dire que peut être la personne qui revient dans cet espace là a des choses à nous faire découvrir aux gens qui sont dans la norme, donc l’idée du festival c’est d’inviter les gens qui sont en dehors du cadre, de faire un pas en avant pour revenir dans cet espace intermédiaire mais aussi aux gens qui sont dans la norme de faire un pas en avant pour venir voir ce qui se passe à la frontière du monde, car les gens qui sont dans la norme sont des gens qui sont dans leur tout d’ivoire pensant que la norme et le nec plus ultra. Il y a des choses à découvrir et pour ça il faut abandonner un certain nombre d’autres choses, donc d’idées reçues, de partir à la rencontre de l’autre, mais c’est vrai que tout acte de rencontre va offrir à l’autre une relation duelle, amicale dans une relation thérapeutique, car le plus beau cadeau qu’on puisse faire à l’autre c’est sa part fragile.
Ce qui est important ça n’est pas d’accumuler les savoirs, mais c’est de nous questionner sur le monde, sur la vie, et donc dans ces espaces intermédiaires, on va inviter la personne à se questionner sur le sens de la vie, sur le sens du monde, sur le sens des choses.
Dans ce festival d’Itinéraires singuliers la personne va inviter l’autre à s’interroger sur ces différences, sur ces espaces intermédiaires, c’est quoi la norme, c’est quoi la marge ?
Plus vous avez de savoirs plus vous vous interrogez – quelqu’un qui s’interroge plus devient un vieux con, mais il y a des jeunes cons aussi.
Le sens est un mot que l’on emploie à tort et à travers et on ne sait plus ce que ça veut dire.
Qu’est-ce que le sens ? « Celui qui ordonne doit toujours faire référence au dit, le dit c’est le sens, le sens de l’humanité »
Le sens = signification = qu’est-ce que ça signifie pour moi telle ou telle décision.
Le sens = logique = le logos – c’est le sens logique – c’est toutes les règles de vie qui nous permet de bien vivre ensemble.
Le sens = sensualité = pour qu’un personne aille bien elle doit pouvoir utiliser ses 5 sens.
Celui qui ordonne doit toujours faire référence à ces 3 sens là qui doivent s’interpénétrer, or on prend souvent l’un des 3 sens, celui qui nous arrange, du genre le sens logique, « ’est comme ça » (règle des 3 c), mais pour donner le 4ème sens qui est celui de la direction il faut que les 3 premiers sens soient traversés par l’histoire des humains en permanence, le signifiant, le signifié et le sensuel.
Le je est important dans la thérapie, mais le non est valorisé aussi car on ne se construit pas tout seul, on a besoin des autres pour cela. Il a besoin d’être en lien, d’être relié aux autres.
Ces espaces servent donc à recréer du lien, à recréer du sens.